L’agent de changement dans le milieu culturel

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Texte rédigé en octobre 2019 par André Fortin, conseiller animation créative et innovation sociale (Révision linguistique : Michel Levesque)

Le présent article fait état des réflexions issues de deux ateliers menés les 1er et 3 octobre 2019 dans le cadre des activités du Réseau des agents de développement culturel numérique (ADN). Lors de ces ateliers, une quarantaine d’ADN provenant de l’ensemble des régions du Québec et de divers milieux culturels ont participé aux exercices. Deux grands éléments ont été abordés : la posture d’un agent de changement et les principales stratégies à déployer lors des trois grandes phases d’un processus de changement.

Définition d’un agent de changement[modifier | modifier le wikicode]

Un agent de changement est une personne qui est à l’écoute des besoins de son milieu et qui sait créer une adhésion et mobiliser les divers acteurs d’un territoire en fonction d’une vision commune. L’agent de changement est un facilitateur qui navigue dans la complexité et met en place les conditions de base pour susciter des transformations. Pour ce faire, il communique des informations-clés sur des publics ou des enjeux donnés, il met en place une méthodologie stimulant les échanges et l’élaboration de solutions, et accompagne les individus et les organisations dans la mise en œuvre de nouvelles pratiques ou d’un plan d’action.

Posture et rôles d’un agent de changement[modifier | modifier le wikicode]

L’agent de changement adopte une posture d’écoute à l’égard de son milieu d’intervention. Il mobilise plusieurs compétences parmi les suivantes :

  • leadership participatif favorisant les rassemblements et les concertations;
  • analyse et pensée critique facilitant l’élaboration de diagnostics et révélant certains angles morts et tabous;
  • curiosité et créativité permettant l’élaboration de pistes de solution novatrices;
  • adaptabilité et flexibilité en vue de continuellement s’ajuster aux besoins exprimés par les personnes impliquées dans les processus de changement.

Lors de l’atelier, les personnes présentes ont fait ressortir d’autres rôles reliés à la pratique d’un agent de changement.

D’abord, il est incontournable de se former continuellement pour être dans un mouvement permanent d’apprentissage, ce qui tend à diminuer la résistance et aide à avoir une meilleure compréhension de l’écosystème. Il faut également être conseiller ou « coach » pour appuyer les organisations et valoriser les savoirs existants. Parallèlement à cela, le rôle d’animateur vise à faciliter l’avancement des dossiers en créant un climat favorable et un espace propice aux échanges et à la collaboration.

En catalysant l’énergie du groupe pour l’atteinte d’objectifs communs, l’agent de changement favorise la mobilisation et l’engagement des diverses parties prenantes. À cet égard, il faut parfois intervenir comme médiateur lorsque des tensions ou des débats houleux sévissent. Dans de tels cas, l’empathie, une neutralité et une attitude d’ouverture seront des clés nécessaires.

D’autre part, l’agent de changement est un stratège qui saisit bien son environnement et est en mesure de proposer la bonne action au bon moment. Certes, des bonnes aptitudes de communicateur et de vulgarisateur faciliteront l’adhésion des acteurs, notamment quand il s’agit de dossiers complexes comme le numérique.

Le rôle de visionnaire aussi n’est pas à négliger. Les gens s’identifient à quelque chose qui est inspirant et motivant. L’agent de changement doit créer de la pertinence et savoir manœuvrer entre un idéal projeté et la planification d’étapes à réaliser pour tendre vers cet idéal. Ici, un aller-retour entre des phases de recherche, d’expérimentation, de documentation, de mise en œuvre et de suivi est à envisager pour que des innovations naissent et que soient implantés des changements.

Les 10 grands rôles d’un agent de changement[modifier | modifier le wikicode]

Dans l’exercice de ses fonctions, un agent de changement doit jouer plusieurs rôles qui l’amènent à :

  1. Avoir un leadership participatif
  2. Exercer une pensée critique et analyser
  3. Déployer sa curiosité et sa créativité
  4. Faire preuve d’adaptabilité et de flexibilité
  5. Se former continuellement
  6. Être stratège
  7. Agir comme conseiller/coach
  8. Intervenir comme animateur et médiateur
  9. Œuvrer comme communicateur/vulgarisateur
  10. Être visionnaire et créateur de pertinence
Image présentant les 10 grands rôles d'un agent de changement, selon André Fortin.


Agent de changement : obstacles et réponses[modifier | modifier le wikicode]

Dans son travail, l’agent de changement rencontrera plusieurs obstacles humains et organisationnels. Le plus grand sera la résistance qui se manifestera en cours de route. Cette résistance peut être perçue comme futile et injustifiée ou plutôt comme un indice dénotant des questionnements, de l’incompréhension ou des peurs de la part des personnes qui vivent les changements.

Cela occupera beaucoup de place dans sa pratique et parfois l’agent de changement aura l’impression qu’il est un imposteur, qu’il n’a pas la légitimité pour faire avancer les dossiers. La confiance en ses moyens sera mise à mal et un besoin de soutien se fera alors sentir. L’identification d’alliés pour instaurer une complicité et la collaboration avec des experts pourraient être de bons moyens pour contrecarrer cela.

Le métier d’agent de changement est en émergence. Cela exige des atouts diversifiés concernant notamment le savoir-faire et le savoir-être. Face au manque de coopération et d’engagement du milieu, il devra inspirer confiance en s’impliquant dans les projets des autres, faire preuve de diplomatie et adapter son discours, proposer des processus permettant le dialogue et respectant les divers rythmes.

Face au manque de compréhension d’un sujet, il devra faire une veille, transmettre l’essentiel des informations pour créer de la clarté et organiser parfois des formations s’écartant du format magistral. Devant un manque de ressources, il devra user de créativité pour trouver des solutions, proposer des projets de mutualisation, questionner la pérennité des initiatives.

Devant une situation nouvelle où les références sont inexistantes, il devra prendre des risques, expérimenter, saisir les occasions pour rebondir. Face au cynisme de certaines personnes ou organisations, il devra choisir les bons acteurs, se protéger en évitant d’en faire une histoire personnelle, être rigoureux et proposer un chemin qui vise des résultats concrets.

Stratégies à déployer pour les 3 phases du changement[modifier | modifier le wikicode]

Dans cette dernière section, nous avons demandé aux participants, divisés en trois groupes de 12 à 15 personnes, de réfléchir aux principales stratégies à déployer pour que les choses avancent bien durant chacune des trois phases de changement (avant, pendant, après). De plus, nous voulions identifier les principales actions à éviter durant chaque phase.

Voici le tableau qui ressort de l’exercice et qui se veut un guide d’accompagnement du changement.

Phase de préparation (avant le changement)[modifier | modifier le wikicode]

Les principales stratégies à déployer pour que les choses avancent bien durant cette phase.
  • ADHÉSION DE LA DIRECTION GÉNÉRALE ET DE L’ÉQUIPE : par des rencontres d’échange qui permettent de prendre connaissance des attentes de tous.
  • ENGAGER LES PARTIES PRENANTES : les impliquer, leur confier un rôle, cibler les alliés.
  • ÉTABLIR UN ÉTAT DES LIEUX, UN DIAGNOSTIC. Documenter avec des méthodes traditionnelles et des nouvelles pratiques.
  • FAIRE UNE ANALYSE DE LA SITUATION. Prévoir un croisement des diverses sources. Ne pas tout dévoiler d’un coup cette analyse et y aller par étapes.
  • PROPOSER UN PROCESSUS STRUCTURÉ, tout en laissant une place en cours de route pour le revisiter, l’ajuster.
Les principales actions à éviter durant cette phase.
  • IMPOSER UNE STRATÉGIE sans avoir consulté les divers acteurs impliqués.
  • PRENDRE POUR ACQUIS que les personnes connaissent les contenus, les processus, le vocabulaire.
  • AVOIR L’ATTITUDE DU SAUVEUR.

Phase du cœur de l’action (pendant le changement)[modifier | modifier le wikicode]

Les principales stratégies à déployer pour que les choses avancent bien durant cette phase.
  • FAIRE CIRCULER L’INFORMATION : avoir des stratégies d’éducation et de sensibilisation.
  • RÉTROACTION. Intégrer de la rétroaction à la suite de la réalisation de petites étapes.
  • FAIRE DES PROJETS-PILOTES avec des alliés.
  • BIEN DÉFINIR LES RÔLES ET RESPONSABILITÉS de chacun et à chaque étape.
  • OBSERVATION ET ÉCOUTE. Adopter des pratiques d’observation et d’écoute active et documenter l’évolution de la démarche.
Les principales actions à éviter durant cette phase.
  • NE PAS COMMUNIQUER.
  • PRENDRE LES MOYENS POUR DES FINALITÉS.
  • FAIRE CAVALIER SEUL.
  • NE PAS RESPECTER LA CAPACITÉ ET LE RYTHME des organisations.

PHASE DU BILAN (après le changement)[modifier | modifier le wikicode]

Les 5 principales stratégies à déployer pour que les choses avancent bien durant cette phase.
  • PLANIFICATION. Bien planifier cette phase et instaurer une mécanique d’évaluation.
  • INDICATEURS. Se donner des indicateurs de mesure qui permettent d’identifier les succès et les manquements.
  • RÉTROACTION. Diffuser cette rétroaction. Documenter les obstacles et les erreurs, ce qui procure, une fois partagé publiquement, une crédibilité.
  • SUIVI. Avoir une phase d’analyse subséquente, un suivi aux trois à six mois pour réfléchir aux actions permettant d’assurer la pérennité du ou des changements proposés.
  • CONSACRER DU TEMPS DANS UNE OPTIQUE D’APPRENTISSAGE. Le bilan permet souvent de consolider l’équipe et les bonnes pratiques mises en place.
Les principales actions à éviter durant cette phase.
  • NE PAS DOCUMENTER et prendre pour acquis que ça va se faire. Éviter de faire cela en silo en ne sollicitant pas nos partenaires.
  • SURÉVALUER. Avoir trop d’ambition dans l’évaluation et trop de données à traiter.
  • FAIRE LE BRIEFING TROP TÔT OU TROP TARD. Saisir le bon moment.
  • NE JAMAIS RELIRE LE DOCUMENT.
  • AVOIR PEUR DE DIRE QU’ON S’EST TROMPÉ. Cacher certaines informations qui ne font pas notre affaire.

Conclusion[modifier | modifier le wikicode]

Les processus de changement sont de plus en plus complexes et nécessitent de savoir naviguer dans la turbulence et l’incertitude. Être agent de changement est très exigeant dans le contexte des transformations numériques qui marquent les organisations culturelles et la société en général.

Comme mentionné à quelques reprises dans ce court article, la documentation des processus expérimentés est essentielle pour identifier des leviers, des obstacles, mais également des attitudes favorisant le changement.

Si ce travail est bien mené, la contribution des agents de développement numérique sera marquante dans la création de ce « métier d’accompagnement » à l’heure où la majorité des institutions sont en crise et que se profilent à l’horizon des transitions majeures, numérique notamment.